Remettre notre raison en chantier
Entre pensée chinoise et européenne
Aujourd’hui, la prise de conscience d’une mutation violente de notre modèle européen (grec) s’accompagne d’une angoisse face à l’émergence et les réussites d’un système de pensée (chinois) si étranger et donc si inquiétant. Mais pour rencontrer des « chinois », point n’est besoin de traverser des continents. « Les nôtres » (l’étranger, le fou, le justiciable, l’élève…) nous amènent au seuil de nos capacités d’acceptation du différent et mettent à mal nos connaissances, notre raison.
En ce temps où nous, professionnels, institutions nous plaignons d’être agis par le système, manipulés, instrumentalisés, F. JULLIEN nous invite à penser autrement la notion de manipulation et ses emplois contradictoires ; il nous incite « chemin faisant » à interroger notre philosophie et ses conséquences dans la réalité quotidienne des cliniciens du thérapeutique, du juridique et de l’éducatif. Son analyse en contraste de la pensée grecque antique (archétype de notre façon occidentale de concevoir le monde) et de la pensée chinoise dynamise notre conception de l’autre soi.
Quand G. Bachelard, F. de Saussure, J. Gagnepain énoncent : « le point de vue crée l’objet », la pensée orientale annonce : « Il faut considérer qu’une autre connaissance est possible. Le point de vue c’est une façon de saisir une partie de la chose, sans exclure des parties opposées. Aucun des points de vue ne réussit à épuiser la réalité visée par chacun d’eux… »
Par cet « entre points de vue », cette altérité, François JULLIEN, nous permet de revivifier l’écoute, de développer une disposition de réflexion où se réalise la rencontre du pouvoir, du soin, de l’accompagnement, du jugement.